Le pouvoir des mots : farafinya et la pensée décoloniale

Soumaïla Camara

Cette communication se propose de conduire une réflexion autour du mot Farafin en privilégiant un point de vue ethnolinguistique. Nous sommes tentés d’affirmer que le mot Farafin offre un cas de traduction que l’on pourrait désigner de « sauvagerie des mots » (Chalaye, 2013). Les dictionnaires et manuels proposent une définition du mot qui semblerait être tirée de son sens étymologique. Selon cette définition, il signifie littéralement : fara, la peau, et fin, noir (la peau noire). De même, le Farafinna est défini comme étant « le pays des peaux noirs ». Or, interrogé au miroir de la représentation occidentale, cette sémiotisation met doublement en avant la couleur ainsi que la condition de l’Africain. Nous formulons l’hypothèse selon laquelle la traduction du mot Farafin, interrogé à l’aune de la représentation sociale en vigueur au Mali, est tout sauf neutre. Il s’agit certainement d’une traduction qui fait non seulement impasse sur l’Histoire des Africains mais aussi sur leur diversité d’un point de vue culturel. Autrement dit, cette contribution tentera de décrire dans un premier temps les mots farafin, farafinna et farafinya en nous s’appuyant sur l’approche ethnolinguistique dans une perspective décoloniale, avant de montrer en quoi et comment cette sémiotisation contribue davantage à dénier à l’Africain « sa complexité, son hétérogénéité, ses disparités, ses diversités, etc. » (Chalaye, 2013 : 40)

Référence
BAILLEUL, Charles, Dictionnaire bambara-français, 2e éd. Eds, Donniya, Bamako, 1996.
CHALAYE, Sylvie, « « Noir », « nègre », « homme de couleur » … ces mots réducteurs de tête », Africultures, 2013, no 2, p. 32-41.
DE SARDAN, Jean-Pierre Olivier, « La violence faite aux données », Enquête, 1996, vol. 3, p. 31-59.
DUMESTRE, Gérard, Dictionnaire bambara-français : suivi d'un index abrégé français-bambara, Karthala Editions, 2011.