2. Les défis de la représentation politique en Afrique

Edalina Rodrigues Sanches
Instituto de Ciências Sociais, Universidade de Lisboa
Carlos García-Rivero
Facultad de Derecho Universidad de València

La représentation politique est une pierre angulaire des démocraties représentatives modernes. Elle repose sur l’hypothèse forte que les partis/politiciens entreprennent des actions pour écouter et connaître les intérêts des citoyens, pour les représenter au sein des institutions politiques et pour les convertir en politiques publiques (Powell, 2004). Les élites ont tendance à représenter certains groupes plus que d’autres, tandis que les citoyens n’ont pas les mêmes possibilités d’être entendus, ce qui alimente les formes (inégales) de représentation. Il s’agit d’un défi pour les démocraties consolidées et émergentes du monde entier. La plupart des recherches sur la représentation politique sont centrées sur l’Union européenne et les États-Unis. Les rares études portant sur l’Afrique trouvent difficile d’étudier la représentation politique en raison de la persistance des caractéristiques autocratiques et de l’instabilité politique dans de nombreux pays. De plus, l’opinion générale est que la représentation est essentiellement clientéliste et identitaire. Les partis ne présentent pas de programmes et d’idéologies clairs et les citoyens votent soit pour “satisfaire les exigences de leur patron existant ou supposé” (Chabal et Daloz, 1999, p. 39), soit pour “placer des représentants ethniques dans les arènes où, selon eux, le gâteau national est divisé” (Van De Walle et Butler, 1999, p. 26). Ce point de vue implique que les formes de représentation instrumentales plutôt que substantielles prévalent en Afrique ; cependant, des travaux récents apportent des nuances. Des études ont mis en évidence des avancées significatives en termes de représentation des sexes (Tripp, 2016) et de représentation substantielle des questions féminines au parlement (Albertyn, 2003), malgré des lacunes persistantes. Il a également été démontré que les députés africains varient considérablement dans leur façon d’aborder les tâches de représentation, et que les liens entre les électeurs et les députés varient au niveau individuel et en fonction de facteurs contextuels et institutionnels (Cheeseman, 2016 ; Mattes et Mozaffar, 2016 ; Wahman, Frantzeskakis et Yildirim, 2021 ; Demarest, 2022 ; Osei, 2022 ; Sanches et Kartalis, 2024). Enfin, les citoyens semblent apprécier le rôle des députés en tant que représentants, réclament des formes de représentation plus substantielles (Mattes et Mozaffar, 2016 ; Adida et al., 2020) et procèdent à une évaluation rétrospective des politiques lorsqu’ils décident de leur vote (Lindberg et Morrison, 2008). Il existe donc en Afrique diverses formes de liens entre les électeurs et les représentants, le long et au-delà des lignes ethniques et clientélistes. Ce panel examine les modèles, les causes et les conséquences des différentes formes de représentation politique en Afrique, en analysant à la fois l’offre (élites) et la demande (citoyens) du processus de représentation. Au lieu de travailler avec une signification préétablie de la représentation politique, qui serait spécifique à l’Afrique, elle adopte une approche globale qui peut couvrir différents aspects – formels, descriptifs, substantiels, symboliques, délégués ou fiduciaires, etc. Il accueille des recherches utilisant différentes approches théoriques, méthodologiques et empiriques pour étudier la relation entre les représentants/politiciens et leurs électeurs/citoyens, ainsi que l’impact des facteurs individuels (par exemple, l’élite et le statut social et politique des citoyens), des institutions politiques et des facteurs contextuels sur la représentation politique.

Bibliographie

Bibliography
Adida, C. et al. (2020) ‘When Does Information Influence Voters? The Joint Importance of Salience and Coordination’, Comparative Political Studies, 53(6), pp. 851–891.
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Chabal, P. and Daloz, J.-P. (1999) Africa Works: Disorder as Political Instrument. Oxford: James Currey.
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Van De Walle, N. and Butler, K.S. (1999) ‘Political parties and party systems in Africa’s illiberal democracies’, Cambridge Review of International Affairs, 13(1), pp. 14–28.