55. Casamance : mémoires, pouvoirs, tensions et initiatives locales dans le nouveau contexte sénégalais

Jordi TOMÀS GUILERA
Universitat de Barcelona, Departament d'Antropologia Social

Après les dernières élections de mars 2024, tous les regards sont tournés vers le nouveau contexte de la région de Casamance en particulier et du Sénégal en général. Ces dernières années, après les longues manifestations liées à l’arrestation du leader Ousman Sonko, les idées du parti qui a remporté les élections sénégalaises ont marqué une grande partie de la population casamançaise, surtout parmi les jeunes, suscitant de nouveaux espoirs dans la région, où les initiatives (économiques, sociales, artistiques, etc.) des communautés locales sont inépuisables : Du projet de reconnaissance de l’appellation d’origine Maad présenté à l’OMPI aux rencontres internationales des arts à Ziguinchor, en passant par les diverses initiatives d’écotourisme, pour n’en citer que quelques-unes. Parallèlement, la région accumule depuis des années des situations complexes : le trafic de bois durs dans les zones frontalières (Ba et al. 2021), la lutte de plusieurs collectifs pour empêcher l’exploitation du zircon à Kabadjo et Niafourang (au nord-ouest de Bignona) (Descroix et Marut, 2019 ; Diatta, 2020), l’épuisement des stocks de poissons dû à la surexploitation par de grandes entreprises européennes, la salinisation progressive des rizières due à l’élévation du niveau de la mer (Marut, 2015)….. Tout cela sans oublier les initiatives de plusieurs jeunes pour prendre le large et tenter de trouver une vie meilleure en Europe… Et sans oublier les tensions non résolues entre le gouvernement et l’association des victimes du naufrage du Joola, plus de vingt ans après. Sur le plan politique, le MFDC et le gouvernement sénégalais ont signé un nouvel accord de paix en août 2022 qui a permis de consolider un certain calme dans plusieurs coins de la Casamance. Cependant, la paix définitive ne s’est pas installée dans la zone – comme cela a été le cas historiquement dans d’autres accords de paix – et les affrontements armés se poursuivent dans certaines localités, sans compter l’effet des explosions de mines terrestres qui continuent de faire des victimes parmi les civils et les militaires (une mine a explosé fin 2023 non loin de Sindian, au nord de Bignona, causant la mort de 4 soldats) (Diédhiou, 2021 ; Gomes, 2021 ; Serna, 2021 ; Mendy et al, 2021 ; Thior et al. 2021 ; García Moral, 2022). De plus, ces dernières années, la répression et l’emprisonnement de plusieurs personnes accusées sans preuve d’appartenir au MFDC se sont poursuivis (Diatta, 2020 ; Tomàs). Tout cela continue de provoquer de manière récurrente l’exil de nombreuses personnes vers les pays voisins de la Gambie et de la Guinée Bissau (Zanker, 2018 ; Gomes, 2019). Cette évolution du conflit s’est accompagnée de l’émergence, ces dernières années, d’études sur la mémoire des premiers temps du conflit, que les jeunes générations n’ont pas connue (Bassène, 2015 ; García Bosque, 2023). Dans ce contexte, les associations indigènes – en particulier les associations de femmes -, les autorités traditionnelles, les chefs religieux, les organisations non gouvernementales, etc., continuent d’œuvrer de diverses manières à l’établissement définitif de la paix, en faisant toujours face à des défis très complexes (Niang, 2021 ; Rudolf, 2021 ; Tomàs, 2021). Tout cela s’accompagne en outre de nouveaux développements dans le contexte frontalier. Par exemple, dans les terres Joola de Guinée Bissau, le nouveau roi de Kerouhey (ou Caroai) a été présenté il y a quelques mois, ouvrant la possibilité de construire la paix dans la zone frontalière près d’Oussouye – où le roi Sibilumbay, ainsi que la reine Alise Oumoy, continuent à travailler activement pour la paix en contact avec d’autres autorités traditionnelles. En résumé, ce panel, à l’instar des rencontres sur la Casamance dans le cadre d’autres événements académiques (comme celui organisé, par exemple, à l’Iscte-IUL à Lisbonne en février 2019), vise à rassembler les différents projets de recherche récemment achevés et en cours, ainsi que des propositions de projets de recherche futurs sur la situation sociopolitique en Casamance, avec l’idée de présenter un état des lieux multidisciplinaire sur la zone dans le monde ibérique (depuis l’anthropologie, l’histoire, la géographie, les relations internationales, l’économie, etc.)

Bibliographie

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