Les villes du monde entier ont développé, au cours des dernières décennies, de nouveaux plans de mobilité, de transport et d’infrastructures (Beck, K.; Klaeger, G. et Stasik, M. 2017, Dalakoglou 2017, Dalakoglou & Harvey, 2012; Harvey & Knox, 2015, Horta & Malet 2014, Melnik 2018). Il s’agit de dispositifs technopolitiques qui misent non seulement sur des modèles de déplacement, mais aussi sur de nouveaux usages et de nouvelles manières de se déplacer. Dans cette dynamique, les pays et villes du Sud enregistrent des tentatives de « modernisation » des systèmes et des modèles de mobilité. Celles-ci vont au-delà du renouvellement des systèmes logistiques et du parc automobile, et consistent souvent en la reprise de la présence directe de l’État dans la gouvernance de la mobilité urbaine et interurbaine. À tout cela, il faut ajouter l’arrivée de plateformes – comme Uber ou Bolt – auxquelles s’ajoutent d’autres développées localement. Les promesses d’amélioration de la mobilité sont présentées, soit par ceux qui les mettent en œuvre, soit par les institutions et agendas internationaux, comme une voie vers la durabilité environnementale et le développement économique, ce dernier étant souvent compris uniquement à travers le prisme du néolibéralisme. Cependant, ces nouveaux modèles de mobilité, ainsi que les moyens de transport et les infrastructures qui les déploient, sont vite dépassés par des usages inattendus, de nouvelles technologies, de nouveaux véhicules et moyens de mobilité, qui peuvent contredire ces projets. On constate également, à l’échelle mondiale, l’émergence de nouveaux moyens de transport de personnes et de marchandises qui utilisent de nouvelles technologies, de nouveaux modèles économiques (comme les économies de plateforme, Kenney et Zysman 2016, Rogers 2016) et des infrastructures – nouvellement construites ou déjà présentes – dans des voies que les urbanistes n’avaient pas prévues, souvent à la limite de la légalité et des règles de circulation, et provoquant parfois l’effondrement des infrastructures qu’ils utilisent. Dans le même temps, ces formes de mobilité prétendument nouvelles sont étroitement liées et combinées avec celles déjà établies, ainsi qu’avec des formes de gouvernance et d’organisation du travail qui les façonnent de manière unique dans chaque contexte. Dans ce panel, nous proposons de discuter de la manière dont ces processus de débordement sont comparables et résonnent les uns avec les autres, et du fait qu’une comparaison entre les dynamiques identifiées dans diverses villes africaines peut aider à développer un cadre général pour les mobilités contemporaines. Nous voulons le faire en contrastant ces processus de mise en œuvre de nouvelles mobilités urbaines et formes de transport dans diverses villes africaines, mais en comprenant que les cas pris dans les villes du Sud peuvent fournir des indices pour comprendre des dynamiques qui, bien que présentées différemment, elles se déroulent dans le Nord global. Notre comparaison suggère au contraire d’analyser ces villes comme radicalement contemporaines. Même si les modèles de mobilité, les technologies et les infrastructures mises en œuvre semblent très différents, les problèmes qu’ils génèrent sont néanmoins similaires : ils génèrent des moyens de transport qui utilisent les nouvelles technologies, souvent à la limite de la légalité et des règles de circulation, et débordent des infrastructures qu’ils utilisent. . Le point de départ sera, en tout cas, les mobilités quotidiennes et la manière dont se matérialisent et prennent forme la série de processus mentionnés dans les lignes précédentes en conditionnant l’accès et l’exclusion aux services et opportunités par différents groupes · groupes Ainsi, au-delà des dimensions économiques, politiques et logistiques des différents systèmes de mobilité comparés, le panel vise à analyser et discuter de la mobilité urbaine dans son ensemble dans différentes villes et de la manière dont divers groupes la rejoignent et ainsi voir certains droits garantis ou refusés. Ce colloque s’oriente comme une contribution à une anthropologie des infrastructures et des modèles de mobilité (Sheller & Urry, 2006 ; Urry, 2006 ; Grieco & Urry, 2011 ; Salazar & Jayaram, 2016), dans le cadre de laquelle a mis en évidence comment les systèmes de déplacement urbain articuler des récits sur la mondialisation et les promesses de l’avenir et de la connectivité, mais aussi des matérialités spécifiques et tangibles dans des temps et des espaces particuliers. Le tout dans le cadre de ce qui est reconnu comme le (nouveau) paradigme des mobilités (Urry, 2006 ; Sheller et Urry, 2006 ; Grieco et Urry, 2011 ; Salazar, N. et Jayaram, K. 2016), qui permet de situer les infrastructures, institutions et planifications spécifiques, ainsi que les relations matérielles et sociales qu’elles impliquent, en les reliant à différents domaines et échelles – matérialité et subjectivités ; État et société ; capitalisme mondial et contextes locaux ; actions en matière d’infrastructures et de conditions d’existence quotidiennes – sans oublier la manière dont les plans et projets d’organisation des déplacements urbains sont souvent dépassés par les usages, les besoins, les appropriations et les alternatives imprévues.
56. Infrastructures débordées. Perspectives comparatives sur les mobilités et les déplacements urbains en Afrique
Bibliographie
Beck, K.; Klaeger, G. & Stasik, M. (2017) The making of the african road. Boston: Brill.
Dalakoglou, D. & Harvey, P. (2012). « Roads and Anthropology: Ethnographic Perspectives on Space, Time and (Im)mobility ». Mobilities, 7 (4): 459-465.
Dalkoglou, D. (2017) The road. An ethnography of (im)mobility, space, and cross-border infrastructures in the Balkans. Manchester U.P.
Grieco, M. & Urry, J. (2011). [Eds.] Mobilities: new perspectives on transport and society. Routledge.
Harvey, P. & Knox, H. (2015). Roads. An anthropology of infrastructure and expertise. Cornell University Press.
Horta, G. i Malet, D. (2014) Hiace. Antropología de las carreteras en la isla de Santiago (Cap Verd). Pol·len.
Kenney, M., & Zysman, J. (2016). The rise of the platform economy. Issues in science and technology, 32(3), 61.
Melnik, Amiel Bize, (2018) Black Spots: Roads and Risk in Rural Kenya. Columbia U. Ph.D
Rogers, B. (2016). « Employment rights in the platform economy: Getting back to basics. ». Harv. L. & Pol’y Rev., 10, 479.
Rouillard, D. [Dir.] (2009). Imaginaires d’infrastructure. L’Harmattan.
Salazar, N. i Jayaram, K., Eds. (2016). Keywords of Mobility. Critical Engagements, Bergham Books.
Sheller, M. i Urry, J. (2006). “The new mobilities paradigm”. Environment and Planning, 38 (2): 207-226.
Urry, J. (2006). Mobilities. Cambridge-Malden, M. A.: Polity Press.