La violence est un élément structurant des systèmes coloniaux. Pour soumettre les Africains, les États coloniaux ont dû recourir à la violence, même s’ils l’ont combinée à d’autres stratégies pour contrôler les populations colonisées. Dans le monde post-colonial, la violence a de nouveau envahi le continent africain, avec des guerres, des mouvements insurrectionnels, des révoltes, des dictatures… Les questions qui seront débattues lors de cette table ronde sont les suivantes : quelle est la relation entre la violence coloniale et la violence postcoloniale ? S’agit-il d’une violence de signes opposés ou existe-t-il des continuités ? La violence postcoloniale est-elle une réponse à la violence coloniale ? Est-il possible de trouver un lien entre ces violences et les violences précoloniales ?
Au moment de l’indépendance, le niveau élevé de violence a surpris les analystes, et la violence coloniale a eu tendance à être considérée comme un simple sous-produit des problèmes coloniaux. Les conflits ethniques, régionaux, religieux, identitaires ou de classe répondaient à des logiques développées pendant le colonialisme et qui survivraient brièvement à la décolonisation. D’une manière générale, on estime qu’il existe une “violence structurelle” qui a survécu à la décolonisation du continent africain. Pour certains auteurs, même l’explosion de violence vécue sur le continent n’était qu’une phase d’adaptation au nouveau statut, qui ne durerait qu’une période transitoire.
Quoi qu’il en soit, des interprétations très différentes ont été formulées.
Lange et Dawson, par exemple, à l’aide d’un grand tableau statistique, ont souligné qu’il n’y avait pas de corrélation significative entre la violence coloniale et l’existence de conflits post-coloniaux. Mahmood Mamdani a abordé la même question d’un autre point de vue.
Loin de considérer que tous les phénomènes violents post-coloniaux sont directement dérivés des phénomènes coloniaux, il a analysé les conflits identitaires qui ont surgi après l’indépendance, concluant que les logiques d’attribution étaient radicalement différentes dans les deux périodes, montrant que les États-nations africains ne sont pas apparus avec la colonisation, mais avec l’indépendance.
Charles Tilly, quant à lui, met moins l’accent sur la violence étatique, mais souligne le rôle joué dans les conflits africains par des forces non étatiques, qui ont développé la répression à des niveaux brutaux.
Tilly estime que l’existence d’organisations spécialisées dans la répression brutale a des conséquences directes sur le niveau de violence, tant qu’il n’y a pas de mécanismes de contrôle social qui affectent ces organisations. Ce panel réfléchira à cette question, notamment à partir du cas du colonialisme espagnol en Afrique. On tentera d’analyser si la violence du régime de Macías en Guinée équatoriale (1968-1979) était une continuation de la violence coloniale de Franco ou s’il s’agissait d’un type de violence radicalement différent. En outre, elle tentera de percevoir dans quelle mesure certaines procédures sont une réplique de la violence coloniale, qui ne touche que les privilégiés du colonialisme, ou si les principales victimes du colonialisme sont aussi des victimes du macisme. Les réflexions sur la violence coloniale présentées dans le contexte guinéo-équatorien par Celeste Muñoz et Gustau Nerín, et dans le contexte post-colonial par Max Liniger-Goumaz, seront prises en compte. Les travaux de Josep Lluís Mateo Dieste et José Luis Vilanova sur le cas marocain seront pris en compte.
Pour le Sahara, les textes d’Alberto López Bargados seront également utilisés. Mais la réflexion coloniale et post-coloniale dans le cas équatoguinéen et dans le contexte espagnol doit être comparée à d’autres processus qui se sont développés dans d’autres parties du continent : Ouganda, Angola… L’objectif est une réflexion qui dépasse le cadre hispanique et permet d’analyser les différents types de colonialisme dans les différents contextes africains.
32. La violence en Afrique : du système colonial au monde postcolonial.
Gustau Nerín Abad
Universitat de Barcelona
Celeste Muñoz Martínez
UNED