54. l’Afrique, entre déclin et progrès

EUGENIO NKOGO ONDÓ
Catedrático de Filosofía jubilado, IES, León

PANEL, “L’AFRIQUE, ENTRE DÉCLIN ET PROGRÈS : CAUSES ET EFFETS” Eugenio Nkogo Ondó Conscients de la contradiction ou de l’opposition qui a existé tant dans l’ordre linguistico-sémantique que dans l’ordre logico-ontologique entre ces deux concepts : déclin et progrès, en tant que déterminants qui catégorisent, définissent ou décrivent les états ou l’essence des phénomènes naturels et humains, il nous a semblé opportun de vérifier cette opposition dans le cas du continent africain. Pour ce faire, il est nécessaire de jeter un rapide coup d’œil sur son histoire avant et après la colonisation. Sans être historien, mais simple observateur de la réalité humaine, peut-être adepte ou partisan des lignes tracées par la philosophie de l’histoire, nous tenterons de lever les inconnues ou les doutes qui se posent à cet égard et de nous interroger sur ses causes et ses effets. L’ancienne carte géopolitique, sur laquelle se détachait le système impérial, accompagné de royaumes grands ou petits, s’effritera peu à peu et deviendra même inconnue et obscurcie par la pénétration impétueuse du colonialisme dans tous ses recoins. De plus, cette carte sera définitivement remplacée par celle qui émergera de la Conférence de Berlin (1884-1885), universellement reconnue comme la “Conférence pour le partage de l’Afrique”. Dès lors, elle sera divisée en autant de parties que de pays ayant discuté ou participé à ce “partage”. C’est ainsi que cette immense terre, à laquelle la recherche anthropologique a donné le titre universel de berceau de l’humanité, sur laquelle l’islam a débarqué aux VIIe et VIIIe siècles et le christianisme au XVe siècle, sera composée de régions portant des noms différents : Afrique française, anglaise, allemande, portugaise, espagnole, etc. Après avoir perdu ses colonies africaines et asiatiques, l’Allemagne, bien qu’elle ait laissé des traces indélébiles dans nombre d’entre elles, a néanmoins été exclue de la mission “civilisatrice” sacrée que les autres pays européens devaient remplir. Avec cette exclusion, la carte géopolitique de l’Afrique, qui, comme nous l’avons déjà dit, est apparue à la fin du XIXe siècle, a été définitivement configurée. Si l’acculturation et l’enculturation signifiaient l’éviction des cultures africaines locales ou traditionnelles et leur remplacement par celles imposées par le dur processus colonial, cela signifiait le début de leur décadence ou de leur déclin. D’où l’aspiration à la liberté qui poussera leurs minorités sélectionnées et leurs masses à se rebeller contre tout ce que le déclin impliquait, afin d’essayer d’ouvrir la route qui les mènerait au progrès, une route pleine d’obstacles qui empêcheraient d’accéder facilement au but désiré. Dans cette situation, le panafricanisme, premier mouvement philosophique et idéologique de l’histoire universelle de la pensée contemporaine qui a pris la décision d’affronter le grand ennemi, l’impérialisme, a adopté une série de stratégies pour mettre en œuvre son idéal de lutte pour la libération totale de l’Afrique et du monde opprimé. Bien que le terme “Conférence panafricaine” soit né à Chicago en 1893, son meilleur et plus grand précédent remonte à la lutte pour la libération de son peuple menée par l’empire mandingue, au milieu du Moyen Âge, lorsque son fondateur, l’empereur Soundjata Keita, et son armée, remportant une victoire écrasante sur leurs ennemis musulmans esclavagistes, ont solennellement déclaré La Charte du Manden, qui a été reconnue plus tard comme la première Déclaration universelle des droits de l’homme. Alors que le panafricanisme ressuscite ce projet de libération, l’impérialisme passe à la contre-offensive pour mettre en œuvre tout ce qu’il a accepté dans la Charte de l’Impérialisme ou “Charte de la Servitude”. C’est pourquoi il est nécessaire d’analyser à la fois sa structure et les phases de sa mise en œuvre, qui ont conduit au déclenchement de la Troisième Guerre mondiale, dont l’Afrique et l’ensemble de ce qu’il est convenu d’appeler le Tiers-Monde subissent encore aujourd’hui les conséquences terribles et dévastatrices. À partir de là, et dans cette perspective, je procède à une étude détaillée des modèles théoriques et pratiques de la lutte pour la libération de l’Afrique et des voies du développement intégral, une tâche difficile à réaliser parce que ses protagonistes ont dû affronter le double néo-colonialisme : l’externe et l’interne. L’étroite collaboration, ou plutôt l’imposition des ordres du premier au second, entraînera inévitablement les pays africains dans une véritable dévastation, depuis les coups d’État des États impérialistes pour élever leurs laquais ou leurs serviteurs au pouvoir absolu, en passant par l’atermoiement et la persécution des nationalistes, condamnés à des sanctions sévères en fonction de leur degré d’insubordination, jusqu’à leurs assassinats. Dans cette situation extrême et turbulente, il est impératif de se demander : où va l’Afrique ? Pour répondre à cette question, des intellectuels africains ont publié, en 2010, un ouvrage collectif intitulé 50 ans après, quelle indépendance pour l’Afrique, dans lequel mon nom apparaît comme l’un des coauteurs. La réponse se trouve dans chacun de ses pays et dans les cadres correspondants dans lesquels ils s’inscrivent. Après les modèles de développement entrepris par Kwame Nkurmah et Jomo Kenyatta et leurs disciples en Afrique de l’Ouest et de l’Est, la deuxième étape de la lutte pour la libération et le développement autonome de l’Afrique se dessine, dans laquelle le projet de la CAE (Communauté de l’Afrique de l’Est) et la nouvelle Alliance des pays du SAHEL, entre autres, sont dignes d’intérêt. Ceci appelle une remise en question objective et rigoureuse de la réalité africaine actuelle et de sa projection dans l’avenir. Sa clarification conduit nécessairement à cette conclusion : l’Afrique doit s’unir, l’Afrique doit s’unir pour être le seul protagoniste dans l’exploitation de ses ressources naturelles, afin de consacrer ses bénéfices au bien-être et au développement intégral de ses peuples et de parler d’une seule voix dans le concert des nations.

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– Class Struggle