La sacralité des frontières a consacré la balkanisation de l’Afrique avec pour conséquences notamment l’hétérogénéité des peuples à l’intérieur de chaque territoire colonial devenu État. Ce maintien des frontières a ainsi validé la désorganisation linguistique des peuples en Afrique. Malgré cela, on assiste à l’intérieur de chaque État à la naissance d'une nouvelle identité linguistique façonnée à partir de la langue colonisatrice. En Côte d’Ivoire le Nouchi – argot ivoirien inventé et parlé par les jeunes – se présente comme une langue décolonisée. Crée dans les années 1970, le Nouchi s’est perpétué d’abord au sein de la jeunesse qui s’identifié désormais à elle dans son parlé. L’objectif de cette contribution est donc d’analyser la décolonisation de la langue française, langue héritée de la colonisation, par les jeunes ivoirines et sa réappropriation en tant qu’identité propre. Il s’agit également de dégager l’impact de cet argot dans la société ivoirienne. Le recueil des données se base, outre les données bibliographiques, sur des observations de terrains, des entretiens et une enquête. Les résultats de cette étude montrent que l’adaptabilité de la langue française en Côte d’Ivoire par les jeunes à aboutir à la naissance d’un argot typiquement et spécifiquement ivoirien. Cette adaptabilité s’inscrit dans une logique d’affirmation et contextualisation de la langue du colonisateur par les jeunes dans le but de s’émanciper linguistiquement et se forger un propre parlé. Ce parlé est présent même au sein de toutes les couches ivoiriennes et pratiqué dans l’administration. Aujourd’hui le Nouchi, considéré comme une identité propre à l’ivoirien, constitue un moyen de communication privilégie des jeunes que ce soit à l’écrit comme à l’oral.
Mots clés : Côte d’Ivoire, Frontière, Jeune, Langue coloniale, Nouchi, Réappropriation.