'Yamilka' est un documentaire qui explore l'univers émotionnel de Yamilka, prêtresse palo de Santiago de Cuba. Je l’ai monté en 2018, en pensant qu’il y aurait une suite. Je pensais repartir à Cuba, mais le confinement dû au COVID m’en a d’abord empêché, puis éloigné… Plutôt que de tenter de restituer le panthéon et les croyances de Yamilka selon la tradition anthropologique, je me concentre sur ses performances, c’est-à-dire sur ses expériences personnelles et mystiques, qu’elle vit intensément.
Le départ de son fils Odin et le vide qui a suivi l’ont contrainte à repenser radicalement les relations qu'elle tisse entre les vivants et les morts. La plupart des scènes de ce film se déroulent dans la pièce (mudanzo) qu’elle consacre au culte des esprits défunts. Assise sur une chaise, elle s’adresse à celui qui lui est le plus proche : le mort Negro Bruto, un ancien esclave décrit comme sentant mauvais, de petite taille et se déplaçant en traînant les pieds en raison des chaînes qui entravent ses chevilles.
Élisabeth Claverie, qui a étudié les apparitions de la Vierge Marie en Bosnie-Herzégovine, a souligné que celles-ci révèlent en réalité des drames sociaux habituellement tus. Tout comme la Vierge de Medjugorje apparaît précisément là où ont eu lieu des massacres de masse et où ont été creusées des fosses communes, à Cuba, les morts du Palo Monte font revivre les blessures profondes de la communauté afro-cubaine.
YamilKa et Negro Bruto. Filmer l’intime et la posséssion
Caterina Pasqualino